Dans le nord de L'Inde, le rickshaw est le moyen de transport le moins cher et du coup c'est extrêmement populaire, et on peut monter à 3 ou 4 dedans, ce qui me semble aberrant comme poids pour une seule personne à tracter.
Les rickshaws sont partout et dans tous les états possibles. Les conducteurs – les rickshaw-wallah (« wallah » en gros c'est « celui qui fait ») sont des super-heros pour moi. J'ai du mal à imaginer que ces hommes vivent très vieux avec un métier aussi dur. Ils sont presque toujours bien maigrelet. J'ai du mal tout court à accepter que quelqu'un pédale comme une malade pendant que nous sommes assis derrière comme des princes et pourtant je le fais comme tout le monde car c'est leur gagne-chapatti. Je me culpabilise terriblement et le pire est quand la route est particulièrement dure avec une pente ou des cratères et le wallah descend de son vélo pour le pousser le temps qu'il faut pour s'en sortir. Il m'arrive même de proposer à descendre et marcher à côté mais ils me prennent pour une dingue parce que pour les indiens tout cela est bien normal. À Kolkotta (Calcutta) – et heureusement uniquement là-bas – il existe une version encore moins cher et plus hardcore, c'est le rickshaw sans le vélo. Le chariot se fait tracter par l'homme, comme font les animaux dans les champs. Inhumain.
Le rickshaw-wallah a besoin de dormir. Dormir il sait faire avec un grand D. Partout quelque soit le niveau sonore autour eux et pas besoin ni d'un matelas ni d'un oreiller de voyage parfumé avec des huiles essentielles de lavande.
L'année dernière à Varanasi en particulier j'avais du mal avec les rickshaw-wallah qui vous agressent à la sortie d'un gare et ceux qui testent votre crédulité et vous demandent au moins deux fois le prix. C'est bien connu ici, ils essayent tant qu'ils peuvent de vous arnaquer. Cette année – toujours à Varanasi – la roue est tournée et j'ai eu non seulement des chauffeurs de rickshaws sympas, mais avec Louis j'ai eu une expérience que je n'oublierais jamais.
C'était justement à la sortie de la gare de Varanasi où je venais d'annuler et me faire rembourser nos billets pour Khajaraho. Je suis attiré par le regard et l'appel d'un vieux maigre avec barbe et cheveux longs. On dirait un sadhu, ces hommes qui ont fait la non-possession une choix de vie et qui dévouent toute leur vie à la religion et spiritualité à recherche de l'illumination. Ce n'est vraiment pas difficile à savoir d'où les hippies des années 60 se sont inspirés pour trouver leur look. Je lui dit où on veut aller et le prix que je suis prête à payer…60 roupies (comme à l'allée). Ça fait 70 centimes d'euro. C'est le tarif normal. En fait, j'aime discuter les prix toujours et ensuite je laisse toujours un pourboire au wallah. Ce wallah ne parle pas anglais donc on se fait comprendre le prix avec les doigts, il est d'accord – ce qui m'étonne car d'habitude on fait le « jeu » de discuter. Louis et moi montons à bord et c'est partie pour 25 minutes derrière ce vieille homme qui, debout, transfère tout son poids du corps d'un côté à l'autre pour avancer. J'ai mal pour lui. Il est si maigre, c'est douloureux. C'est déjà décidé que je lui laisserais 100 roupies et le kilo de riz que j'ai dans sac. Ça tombe bien, j'avais acheté du riz pour distribuer dans les boites metalliques que portent les sadhus.
On arrive à la destination et je donne le billet de 100 roupies. Le vieux fouille dans ses robes et me tend quatre billets de 10 roupies. Je les refuse et il les force dans ma main. Je proteste, je veux lui les rendre mais il ne veut rien savoir. Je lui montre le riz que je veux laisser sur le siège, mais il ne le veut pas non plus. Il veut juste ses 60 roupies et partir. C'est du jamais vu, il a refusé un pourboire, même le riz. C'est extrêmement culpabilisant et au même temps c'est – encore – un leçon pour moi. Je reste stupéfaite et je n'oublierais jamais cet homme même si je n'ai pas de photo de lui – il n'en voulais pas bien sûre.